Alan avait écouté Sarah sans l'interrompre et lorsqu'elle eut terminé son spectacle et qu'elle se fut assise à nouveau dans le fauteuil, il ne perdit pas de temps pour venir s'accroupir devant elle. Il était tellement plus grand qu'elle que même baissé de cette façon, il arrivait largement à sa hauteur. Ce détail fit frémir les lèvres de Sarah qui n'arrivait pourtant pas à sourire. Et surtout elle était touchée par l'attention que lui portait le jeune homme.

- Je ne te cache pas que j'en veut aussi à ton... enfin, NOTRE père d'avoir couché avec ma mère. J'ai toujours cru qu'elle était quelqu'un de respectable et qui jamais n'irait voir ailleurs quand dans le lit de son époux. Depuis un an, je n'arrive plus à parler franchement avec elle. Je ne sais plus si je dois me confier à elle ou bien garder mes peines pour moi. Pendant dix-huit ans, j'ai vu en elle une mère parfaite et aimable, et du jour au lendemain, j’apprends qu'elle a fait cocu mon père et que j'en suis la preuve vivante.

Alan lui expliqua la situation de son point de vue, expliquant que la relation avec sa mère était gâchée à cause de cet adultère. Sarah le comprenait bien. D'autant plus que tous les jours il devait croiser le père qui l'avait élevé et garder les lèvres scellées, au risque de détruire sa famille. Il ne devait même plus oser le regarder dans les yeux, de peur que son père descelle une lueur de honte. Et surtout... Alan devait se considérer comme... Comme un bâtard ? Pourtant Dieu seul savait à quel point Alan n'avait rien à voir dans cette histoire, il était peut-être pourtant celui qui en souffrait le plus.

- Mais ton père... je sais même pas s'il est au courant de mon existence. Peut être qu'il le sait, peut être pas. Donc, ne l'en blâme pas avant de savoir s'il est au courant de mon existence, d'accord ?

Sarah leva aussitôt les yeux au ciel. C'était plus fort qu'elle. Et surtout elle était bien trop en colère contre son père. Alors qu'Alan lui tapotait la main et allait se rassoir sur son lit, la jeune femme reprenait la parole, d'une voix plus douce que d'ordinaire. Son demi-frère avait réussi à la calmer, c'était une bonne chose.

- Ce n'est certainement pas une excuse... Il a fait ce qu'il a fait, et ça n'aurait été pardonnable que s'il avait avoué sa faiblesse à ma mère... Il est d'autant plus condamnable que s'il ne connaît pas ton existence, c'est qu'il n'a jamais cherché à revoir la tienne, à prendre de ses nouvelles. Et c'est donc qu'il n'était même pas questions de sentiments dans l'histoire, c'était juste purement physique. Et dire que pendant tout ce temps il nous faisait de grands sourires et nous serrait dans ses bras en nous retrouvant...

Un calcul rapide fit comprendre à Sarah qu'Alan était plus jeune qu'elle, d'une seule petite année. Cela signifiait que son père était allé voir ailleurs alors qu'il venait tout juste d'être père, alors qu'il avait un enfant en bas-âge sous sa responsabilité, qu'il avait prit du bon temps pendant que sa femme s'occupait de leur enfant. Cette idée révulsait Sarah au plus au moins et elle manqua de se mettre à pleurer. Heureusement une seconde chose lui vint à l'esprit qui eut pour effet de lui remonter le moral...

- J'ai un petit frère alors...

La jeune femme leva les yeux vers Alan et décrocha enfin un premier sourire, bien qu'encore timide.

Alan rendit son sourire à Sarah et la jeune femme en fut heureuse. Il semblait bien accepter le faite qu'il était le petite frère. Et donc que Sarah était sa grand sœur. Le dire tout haut avait comme soulagé la londonienne d'un poids et elle se sentit beaucoup mieux. Alan se risqua même à lancer une vanne que Sarah attendait puisqu'elle avait elle-même pu le remarquer :

- Oui, mais je reste plus grand que toi.

Peu importe. Elle était bien capable de le mater, et ce quand elle le voulait. La jeune femme était habituée à ce genre de personnage. Ses propres pensées la firent ricaner. Sarah semblait avoir retrouvé sa bonne humeur, d'ailleurs elle avait bien envie d'aller lui coller un coup de poing amical dans l'épaule pour avoir sous-entendu qu'elle était une naine. Cependant elle se retint. Si elle se sentait plus détendue en la présence du jeune homme, elle n'était toujours pas parfaitement naturelle.

- Tu as pris ton petit déjeuner ? Je ne te cache pas que j'ai faim et prendre le mien avec toi ne me dérange pas.

- C'est donc ça ces gargouillis que j'entends depuis tout à l'heure...

Sarah se laissa aller à un sourire complice et se leva, tout en passant sa main dans ses longs cheveux pour les ébouriffer.

- J'ai déjà déjeuné, mais je veux bien t'accompagner. J'suis curieuse de savoir si tu manges aussi grossièrement que tu parles.

Si une fois de plus elle ne s'était pas contrôlé, elle lui aurait bien tiré la langue comme une sale morveuse. Au lieu de cela, elle passa devant Alan et se rendit à la porte de sa chambre.